2020-0412 « Loscolo », un futur sans nature

En 2010 nous possédons déjà toutes les données relatives aux pollutions terrestres, fluviales et maritimes. Des milliers de substances issues de l’industrie chimique se déversent dans nos fleuves et la mer. Nous sommes ce que nous mangeons et buvons. Neurotoxiques… perturbateurs endocriniens… Le nombre de cancers de l’enfant a augmenté de 30% en trente ans.

En 2016, et pour la troisième année consécutive, les olives sur mon olivier murissent… à Pénestin.

En 2016, et pour la troisième année consécutive des épisodes de mortalité sévère ont affecté largement les secteurs mytilicoles de la Vendée et des pertuis charentais, occasionnant des pertes importantes. Avec le réchauffement climatique le « phénomène » semble récurrent. L’apparition d’un pic printanier de mortalité est aussi corrélée aux variations de la teneur en oxygène de l’eau de mer et à la température. Ces variations créent un développement intense du phytoplancton et/ou microbiologique tel que les cyanobactéries. Les moules deviennent impropres à la consommation.

Cette même année la municipalité de Pénestin et Cap Atlantique « mobilisent » les mytiliculteurs pour qu’ils adhèrent au projet du lotissement Loscolo. Mais seulement 13 mytiliculteurs sur 35 déclarent leur intérêt pour ce projet. Parallèlement, rien n’est proposé à ceux qui souhaitent rester sur les sites existants pour y travailler.

Question des mytiliculteurs : Seules les grosses entreprises pourront s’installer à Loscolo ? – Réponse de Cap Atlantique et de la municipalité : pas de réponse.

Question des mytiliculteurs : l’Association Syndicale des mytiliculteurs se propose comme représentante pour les concertations avec les acteurs publics  – Réponse de Cap Atlantique et de la municipalité : non

En janvier 2020 la pêche était prohibée en raison d’une contamination des huîtres par un virus. Tout être vivant peut être infecté par un virus. Il existe des virus de bactéries, des virus d’algues, des virus de plantes, des virus d’animaux, parmi lesquels on trouve de nombreux agents pathogènes. L’océan est un immense réservoir de virus qui ont un rôle majeur dans le contrôle des blooms planctoniques ainsi que dans les cycles biogéochimiques, et en particulier dans le cycle du carbone océanique. L’équilibre est aujourd’hui rompu. Ce norovirus (celui des huîtres) a été transmis par l’homme. La contamination est due aux stations d’épuration défectueuses et aux fortes pluies qui se sont abattues sur le pays. L’extension de l’urbanisation et l’artificialisation, déjà responsables de la perte de la biodiversité en Bretagne et dans le monde, participent à ce désastre environnemental annoncé. Ce sont les humains qui contaminent les huîtres, et pas l’inverse. Conséquence : 200 conchyliculteurs ont reçu l’interdiction de commercialiser leurs huîtres.

Début avril 2020, le service d’urgence d’Etat de l’Ukraine a annoncé qu’il déployait des moyens importants pour tenter d’éteindre des feux de forêt dans la zone interdite de 2.600 kilomètres carré instaurée en 1986 autour de Tchernobyl. L’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire français vient de publier une note d’information : “un tel événement peut conduire à la remise en suspension de césium 137 dans l’air”. Toute l’Europe de l’Ouest est concernée. Le confinement rassure. Les masses d’air provenant de Tchernobyl devaient atteindre l’est de la France…en fonction de la météo. Le 26 avril prochain est la triste date « anniversaire » de ce désastre humain, environnemental et…économique.

Les pluies diluviennes de ces derniers mois en France ont provoqué un excédent d’eau douce dans l’eau de mer en proche littoral. Les mytiliculteurs constatent une perte d’environ 15% en baie de Pont Mahé et au Halguen. Si pour des raisons de confinement ils ne parviennent pas à vendre leur production de l’été, ils devront reporter leur vente en fin d’année. Avec la concurrence des autres pays producteurs, les prix chuteront. Les conséquences du réchauffement climatique sont protéiformes. Le lotissement « Loscolo » ne modifiera pas cet état de fait.

Demain, l’acidification des océans, la baisse de la productivité dans les concessions mytilicoles ou les valeurs limites de PCB dans les denrées alimentaires (12 millions de tonnes de plastiques finissent chaque année dans les océans) seront d’autres curseurs inévitables pour le développement économique local ou ce qui restera de l’activité économique des métiers de la mer. Une récente étude a d’ailleurs permis de trouver des microplastiques dans les entrailles de mini-crustacés vivant à près de 11 kilomètres de profondeur dans la fosse la plus profonde des Mariannes. Il n’est donc pas étonnant de constater 10% de nanoparticules plastiques dans tous les autres produits de la mer. Le lotissement « Loscolo » ne changera rien.  

Le nouvel ordre mondial résulte d’une démocratie à la dérive. Avec le confinement nous vivons sous l’œil de Caïn. Les reconnaissances faciales ne sont plus de la science fiction, les réunions sont interdites, la libre circulation limitée, les nouveaux élus n’ont pas le droit d’exercer jusqu’à nouvel ordre. Le site de la mairie renvoie le citoyen vers les sites gouvernementaux ( !?). Une clarification toutefois dans notre mode de gouvernance locale : les travaux pour le lotissement « Loscolo » reprennent sans la mascarade politique d’un Comité de suivi.

Depuis plus de trois ans et avant même les enquêtes publiques, les membres de l’association Cappenvironnement ont demandé la suspension de ce projet du siècle dernier, fait des propositions pour éviter de défricher une zone naturelle tout en démontrant son intérêt paysager et agricole en proche littoral, ont demandé des études sur l’amélioration des sites existants et soumis des réflexions sur l’avenir économique de la mytiliculture.

Pendant la campagne électorale une seule liste sur trois, a proposé dans son programme un moratoire qui permettrait de réunir tous les acteurs pour une réflexion approfondie sur l’avenir de la mytiliculture à Pénestin en suggérant dans un premier temps la suppression des produits phytosanitaires dans les sous bassins versants. Puis pour répondre aux besoins de la majorité des mytiliculteurs qui n’ont pas adhéré au projet, elle fut également la seule à demander des études alternatives pour réhabiliter les sites existants, pointe du Bile compris.

Le prochain Maire, M. Puisay, soutenu par l’ancien, est bien déterminé à mener ce lotissement à son terme. Selon sa position, nous devons accepter ce qui a été décidé 25 ans plus tôt, nous devons accepter l’idée qu’aucun compromis n’est envisageable, qu’aucune remise en question n’est possible.

Selon ce principe, toute décision prise par une autorité administrative ou politique est inaliénable. L’histoire nous prouve le contraire.

Aujourd’hui, nous sommes encore peu nombreux à penser que ce projet est une absurdité environnementale et une ineptie financière que nous allons devoir assumer pendant plusieurs années. Mais maintenant, avec la crise sanitaire que nous vivons et la crise économique qui suit, il est important de se rapporter aux dernières actualités scientifiques qui ont accompagné depuis quelques années les professionnels des métiers de la mer dont la mytiliculture. L’urgence climatique et l’effondrement de la biodiversité (sur terre et dans la mer) traduisent la profonde inadéquation entre un système socio-économique que nous pouvons transformer et un système écologique auquel nous appartenons et dont nous sommes entièrement dépendants. Le lotissement « Loscolo » ne répond pas aux enjeux vitaux de la profession. C’est un projet de court terme, aveugle et sourd.

Le Scot de Cap Atlantique doit être actualisé après le résultat définitif des élections municipales. Les règles et les obligations sont insuffisantes pour sauver ce qui peut encore l’être. Actuellement aucune protection efficace n’est envisagée pour maintenir et améliorer le fonctionnement des écosystèmes marins et côtiers. Pourtant, et contrairement au projet « Loscolo »,  la pérennité de l’activité mytilicole en dépend. Nous savons aussi que les scientifiques du GIEC mettent en avant que la mer est le premier puits de carbone et le premier producteur d’oxygène de la planète. La mise en œuvre d’un volet maritime dans chaque SCOT littoral est donc nécessaire. Les enjeux de la protection des habitats et des écosystèmes marins, des espèces marines sensibles à protéger et de l’amélioration de la qualité des eaux côtières doivent être inscrites dans les consignes obligatoires au même niveau que l’économie et l’urbanisme.

La Bretagne est la troisième région française en matière de taux d’artificialisation. Elle progresse plus vite que la population bretonne. La stratégie nationale pour la biodiversité 2011- 2020 et la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages adoptée en août 2016 ne sont pas respectées. La maîtrise de l’artificialisation des sols est une priorité qui doit faire loi. L’étalement urbain et les constructions dans les zones de continuité écologiques doivent être proscrit. Par ailleurs, les mots Eviter et Réduire de la séquence ERC (Eviter Réduire Compenser) ne sont pas assez mis en avant comme un préalable indispensable à tout aménagement. Les modalités actuelles de la compensation sont un alibi pour consommer davantage de terres. Le projet « Loscolo » les utilise de manière fallacieuse. Les règles encore une fois sont insuffisantes. Il est indispensable de les compléter par un guide d’accompagnement des territoires sur les modalités de mise en œuvre des projets d’aménagement afin de bien Eviter et Réduire les impacts, avant de penser à les Compenser.

« Depuis le Grenelle de l’environnement les élus doivent prouver qu’il n’existe aucune autre possibilité (que le lotissement Loscolo). Ils doivent aussi démontrer que le choix fait est le moins coûteux pour la collectivité. »

Les dépenses totales de protection en faveur de la biodiversité contribuent au PIB national pour au minimum 2,5 milliards d’euros et à l’emploi national pour au moins 35000 travailleurs (1€ dépensé en faveur de la biodiversité génère 2,64€ de production et 1,31€ de valeurs ajoutées).

On aimerait pouvoir en dire autant pour le lotissement « Loscolo ». Aucune étude n’a été réalisée de manière interdisciplinaire par un centre commun d’analyse sur les conflits environnementaux, économiques ou sociaux qui peuvent naître de l’exploitation et de l’anthropisation de cet espace naturel et agricole de plusieurs hectares. Aucune étude sur la viabilité économique du projet. Le coût des dépenses déjà réalisées par la collectivité est environ de 800.000 euros : 400 000 euros pour le rachat des ateliers IAV + études + tracé du réseau viaire et pluvial (commune). Les 4.800.000 euros déclarés dans le dossier de l’enquête publique sont en dessous des réalités car d’autres aménagements comme par exemple le carrefour de la RD avec la future piste cyclable prévue en 2025 ne sont pas inclus – un minimum de 800 000 euros – ni les 700 m de la route desservant le lotissement jusqu’à la départementale – un minimum de 300 000 euros – ni le rachat des autres ateliers au logo et au Scal – environ 1 million d’euros, plus la réhabilitation des lieux libérés… Le pompage de l’eau mer 1 million d’euros n’est pas compris etc…

Une estimation proche de 7 000 000 d’euros d’argent public serait plus proche de la réalité. Si l’on intègre les coûts de la destruction des ressources ou de la biodiversité c’est-à-dire tout ce qui doit s’intégrer dans le produit à fabriquer, en l’occurrence le lotissement conchylicole et sa maintenance, on peut légitimement revoir à la hausse ce coût global. Cap Atlantique et la municipalité n’ont pas pris en compte l’économie externe dans leur mode de calcul.

La commune de Pénestin perd aussi le pouvoir directeur de son territoire et on découvre avec inquiétude un mépris à peine voilé vis-à-vis de la majorité des mytiliculteurs pénestinois à qui l’on répète depuis quinze ans que leur activité est reconnue comme un intérêt communautaire mais qu’elle peut, au final, être remplacée par d’autres entreprises régionales ou non. L’économie locale de la mytiliculture et ses acteurs principaux deviennent ainsi des éléments secondaires à qui aucune alternative n’est proposée.

A moyen terme, les « petites entreprises » risquent de disparaître et avec elles la vie sociale de la commune. Une logique économique et une financiarisation (comme dans l’agriculture ou dans la baie du Mont saint Michel) que tout le monde connaît, qui crée surtout des monopoles étrangers aux préoccupations locales (environnement, emploi, tourisme). Mais pour les représentants politiques d’hier et d’aujourd’hui, l’essentiel semble d’aboutir à un projet d’urbanisme sans pour autant satisfaire l’ensemble des mytiliculteurs, petits ou grands.

Cette politique d’aménagement se positionne à la marge des orientations du DOG 2011 de Cap Atlantique (pas d’économie d’espace dans le lotissement conchylicole, terres agricoles non réhabilitées en proche littoral, etc.), mais est surtout en discordance avec le DOO 2017 qui transcrit et intègre dans son ensemble une pensée collective soucieuse de préserver les terres naturelles et agricoles en limitant l’artificialisation des sols (densification obligatoire, enveloppes urbaines non extensibles, zones tampons et coupures d’urbanisation inconstructibles, etc.), tout en encourageant une production agricole de proximité mieux adaptée au « vrai » développement durable sur la Presqu’île guérandaise.

D. Boccarossa Paru sur le blog penestin-infos

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